« Nous sommes parvenus à la conclusion que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a validé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi », écrit la direction du renseignement national dans ce court document déclassifié de quatre pages.
« Le prince héritier considérait Khashoggi comme une menace pour le royaume et plus largement soutenait le recours à des mesures violentes si nécessaire pour le faire taire », ajoute-t-elle.
Ryad rejette les conclusions du rapport
Ryad a « rejeté totalement les conclusions fausses et préjudiciables » du rapport des services de renseignement américains, tout en appelant de ses voeux la poursuite d’un partenariat « solide et fort » avec Washington.
« Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a validé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi », écrit le renseignement américain dans ce document de quatre pages, déclassifié à la demande du président Joe Biden alors que son prédécesseur Donald Trump l’avait gardé secret.
Le rapport souligne que le jeune dirigeant, surnommé MBS, disposait d’un « contrôle absolu » des services de renseignement et de sécurité, « rendant très improbable » une telle opération sans son « feu vert ».
Il contient une liste d’une vingtaine de personnes impliquées dans l’opération, dont l’ex-numéro deux du renseignement saoudien Ahmed al-Assiri, proche de MBS, et l’ex-conseiller du prince Saoud al-Qahtani, tous deux blanchis par la justice de leur pays.
Washigton ne sanctionne pas Ben Salmane
Le gouvernement américain a annoncé dans la foulée des sanctions financières contre le général Assiri et contre la Force d’intervention rapide, une unité d’élite chargée de la protection du prince, supervisée par Saoud al-Qahtani et présentée par Washington comme étant largement impliquée dans le meurtre.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a, lui, interdit d’entrée aux Etats-Unis 76 Saoudiens, dans le cadre d’une nouvelle règle, baptisée « Khashoggi ban », ou « interdiction Khashoggi », visant toute personne accusée de s’attaquer, au nom des autorités de son pays, à des dissidents ou journalistes à l’étranger.
Bien que directement mis en cause, Mohammed ben Salmane ne fait pas partie des personnes sanctionnées.
« Les Etats-Unis n’imposent généralemement pas de sanctions aux plus hauts dirigeants de pays avec lesquels ils entretiennent des relations diplomatiques », a justifié le département d’Etat.
Recalibrer les relations avec Ryad
Le président Biden veut « recalibrer » les relations avec Ryad: il a fait savoir qu’il ne parlera personnellement qu’avec le roi Salmane et non avec son fils, interlocuteur privilégié de Donald Trump, il a mis l’accent sur les droits humains, et il a stoppé le soutien américain à la coalition militaire, dirigée par les Saoudiens, qui intervient dans la guerre au Yémen.
Mais il ne veut pas de crise ouverte.
« La relation avec l’Arabie saoudite est importante », a dit Antony Blinken. Les mesures annoncées, « c’est vraiment pour ne pas avoir de rupture dans les relations mais pour les recalibrer », a-t-il plaidé.
La directrice du renseignement national Avril Haines a abondé dans ce sens et déclaré que la décision de publier le rapport « n’allait pas faciliter les choses », mais que ce n’était pas « inattendu ».
« Evidemment cela va être délicat sur un certain nombre de choses », a-t-elle affirmé à la radio NPR vendredi soir, ajoutant: « nous espérons continuer à travailler là où cela a du sens de travailler et continuer à communiquer ».
Plusieurs personnalités, notamment à gauche, ont déploré cette prudence.
« J’espère qu’il s’agit seulement d’un premier pas, et que le gouvernement entend prendre des mesures concrètes pour que le prince héritier (…) rende personnellement des comptes pour ce crime odieux », a ainsi déclaré le président démocrate de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain, Bob Menendez.
La rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions sommaires Agnès Callamard a aussi estimé que Washington devait sanctionner MBS.