L’Italie est prête à ouvrir une enquête sur les garde-côtes libyens après la diffusion d’images aériennes où ils tirent apparemment sur un bateau de migrants en Méditerranée pour l’intercepter, a indiqué mercredi à l’AFP le parquet d’Agrigente en Sicile.
Les images, filmées le 30 juin depuis un avion de reconnaissance de l’ONG allemande Sea-Watch, montrent les impacts de deux tirs à la surface de l’eau, à deux ou trois mètres de la proue du bateau en bois bleu dans lequel se trouvaient une cinquantaine de migrants. Puis les garde-côtes semblent tenter de le percuter avant de renoncer.
Les 64 migrants se trouvant à bord sont ensuite arrivés le 1er juillet sur la petite île italienne de Lampedusa, à mi-chemin entre la Sicile et les côtes nord-africaines.
Luigi Patronaggio, chef du parquet d’Agrigente, a déclaré à l’AFP qu’il travaillait sur les accusations de « tentative de naufrage » lancées par Sea-Watch, qui a déposé une plainte.
Selon la porte-parole de Sea-Watch, Giorgia Linardi, ce serait « la première fois qu’un pays européen lance une enquête contre les garde-côtes libyens ». « Les images parlent d’elles-mêmes », a-t-elle argué.
L’ouverture d’une enquête officielle nécessite toutefois « l’autorisation du ministère italien de la Justice », « étant donné que la procédure vise une autorité étrangère ».
« Le délit présumé a été commis dans des eaux internationales, contre des étrangers », a-t-il ajouté, confirmant qu’il cherchait à obtenir cette autorisation sans être en mesure de préciser combien de temps cela prendrait.
Le procureur pourrait obtenir un feu vert car les migrants, qui peuvent témoigner de ce qui s’est passé, sont arrivés à Lampedusa, qui relève de la compétence d’Agrigente.
L’Italie finance les les garde-côtes libyens
L’enquête serait cependant compliquée par le fait que Rome et Tripoli ne sont pas liés par un accord de coopération judiciaire. Contactées par l’AFP, les autorités libyennes n’ont pas répondu dans l’immédiat.
L’annonce de cette enquête potentielle intervient en amont d’un vote du parlement italien sur le renouvellement d’aides financières aux garde-côtes libyens.
Depuis des années, l’Italie et l’Union européenne financent, entraînent et équipent les garde-côtes libyens pour qu’ils empêchent les passeurs de convoyer en Europe des migrants et réfugiés à bord d’embarcations de fortune. En outre, un navire de la marine italienne ancrée à Tripoli leur fournit une assistance technique.
Les garde-côtes font pourtant face à de multiples accusations de mauvais traitements sur des demandeurs d’asile, conduisant nombre d’ONG à dénoncer cette politique.
En vertu du droit maritime international, les personnes secourues en mer devraient être débarquées dans un port sûr. Et l’ONU ne considère par la Libye comme un port sûr.
Le navire des garde-côtes mis en cause par la vidéo, le PB 648 Ras Jadir, est l’un des quatre donnés aux garde-côtes libyens par l’Italie en 2017, selon Sea-Watch. Sur les images, il tente aussi de se rapprocher de l’embarcation motorisée et semble à plusieurs reprises tenter de lui couper la route en multipliant les manoeuvres dangereuses.
Le journaliste de Radio Radicale, Sergio Scandura, dont le suivi des déplacements du navire des garde-côtes libyens a été versé au dossier du parquet, a déclaré à l’AFP que l’incident s’était produit à seulement 45 milles nautiques (83 km) de Lampedusa.
« C’est la première fois qu’un navire de patrouille libyen s’aventure aussi loin en direction du nord à la poursuite de migrants » a-t-il souligné.
Les garde-côtes libyens ont rapatrié plus de 13.000 personnes en Libye au premier semestre 2021, dépassant ainsi le chiffre total pour 2020, selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (HCR).
Presque 900 personnes ont péri dans les eaux de la Méditerranée cette année, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).