La Russie a jugé mercredi dénuée de « base légale » la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme d’ordonner la libération de l’opposant russe Alexeï Navalny.
« Cette demande est délibérément inapplicable car il n’y a aucune base légale en droit russe permettant la libération de cette personne », a estimé le ministre de la Justice, Konstantin Tchouitchenko, selon les agences russes, dénonçant en outre « une ingérence grossière » dans les affaires russes.
Un peu plus tôt, Piotr Tolstoï, le vice-président de la Douma (la chambre basse de l’Assemblée fédérale NDLR), avait déclaré sur le compte Instagram de la Douma que Moscou ne remplirait pas l’exigence de la CEDH en respect des dispositions de sa constitution.
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a demandé ce mercredi, quelques heures auparavant, au gouvernement russe la libération « avec effet immédiat » de l’opposant Alexeï Navalny.
La CEDH a argué de risques pour sa vie, selon un communiqué rendu public mercredi.
La CEDH demande la libération de Navalny
« La Cour a tenu compte de la nature et de l’ampleur du risque pour la vie du requérant, (…) considéré à la lumière des circonstances générales de la détention actuelle du requérant », précise la CEDH dans un communiqué.
Du point de vue européen, la Russie, signataire de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, a « l’obligation de respecter » cette décision.
La décision a également été annoncée sur le blog d’Alexeï Navalny.
Cette « mesure provisoire » a été prise suite à une requête déposée par l’opposant russe le 20 janvier, dans laquelle il réclamait sa libération.
Il estimait que les dispositions prises par les autorités russes pour assurer sa détention « ne pouvaient pas fournir des garanties suffisantes pour sa vie et sa santé ».
Alexeï Navalny avait été interpellé le 17 janvier à son retour de convalescence en Allemagne. Sa détention avait suscité des manifestations à travers la Russie qui ont donné lieu à quelque 11.000 arrestations.
La Russie tenue de respecter la décision de la CEDH
La CEDH rappelle que les États membres de la Convention des droits de l’homme « ont l’obligation de respecter » des mesures provisoires qu’elle prononce.
Cependant, le non-respect d’une telle mesure a déjà été observé à plusieurs reprises : en 2005, par exemple, la Turquie avait ainsi extradé deux ressortissants Ouzbeks, à l’encontre d’une mesure provisoire prise par la CEDH.
Depuis, d’autres pays, dont la Moldavie en 2009 ou la Russie en 2016, ont été condamnés par la CEDH pour « non-respect » d’une telle mesure.
Le non-respect de ces mesures par un Etat qui a ratifié la Convention « met en péril l’efficacité du droit de recours individuel », ainsi que l’engagement formel de l’Etat, de « sauvegarder les droits et libertés énoncés dans la Convention », souligne la CEDH.
Les mesures provisoires sont le résultat d’une procédure exceptionnelle. Elle constituent des « mesures d’urgence », prises en considération d’un « risque imminent de dommage irréparable », afin de permettre le « bon déroulement de la procédure ».
La CEDH rappelle qu’une telle décision ne permet pas de « préjuger des décisions ultérieures sur la recevabilité ou le fond de l’affaire ».