Les tribunaux ont statué sur plus de 133.000 procès à distance permettant la libération immédiate d’environ 12.000 détenus. Qu’en est-il, dès lors, des garanties d’un procès équitable?
Les tribunaux ont statué à distance sur plus de 133.000 affaires, permettant la libération d’environ 12.000 détenus, immédiatement après le prononcé du jugement, à raison de 1.000 détenus par mois, a indiqué, mardi à Rabat, le Premier président de la Cour de cassation, président délégué du Conseil Supérieur du pouvoir judiciaire, Mohamed Abdennabaoui.
Abdennabaoui s’exprimait lors d’une conférence nationale organisée par le ministère de la Justice sous le thème « Les litiges à distance et les garanties d’un procès équitable ».
Le Maroc a pu se doter en quelques semaines d’une structure logistique adaptée pour le déroulement à distance des procès, et ce grâce à l’effort « considérable » consenti par les juges, les fonctionnaires des tribunaux et des parquets et les avocats, ainsi qu’à la contribution remarquable de certaines instances à l’amélioration des prestations électroniques, a-t-il relevé, notant que cette avancée a permis aux tribunaux de traiter les dossiers sans exposer la vie des détenus au risque.
19.000 procès à distance en une année
M. Abdennabaoui s’est également félicité des efforts « colossaux » déployés par les juges, les greffiers et les cadres du bureau de greffe ainsi que les avocats pour garantir le déroulement des procès dans le plein respect des mesures préventives en vigueur, ce qui a permis de tenir plus de 19.000 procès à distance en une année et d’étudier plus de 370.000 affaires impliquant des détenus traduits devant le tribunal de la même façon plus de 433.000 fois.
A cette occasion, il a mis en avant le système judiciaire marocain qui a adopté cette « approche novatrice » ayant permis de gérer les procès des détenus dans le plein respect des dispositions de la légalité juridique résultant de la force majeure, sans pour autant compromettre les principes du procès équitable.
Quelle justice avec les procès virtuels post-Covid?
Le Premier président de la Cour de cassation a estimé que « l’attente de la promulgation d’une loi régissant les procès virtuels reste un « bel espoir » pour tous ceux qui s’intéressent à la question de la justice, espérant que ce texte voit le jour dans les plus brefs délais pour que le pays puisse disposer d’un mécanisme juridique approprié permettant de tenir des procès à distance post-Covid.
D’autres circonstances justifient le recours au procès à distance, notamment la protection des témoins et des dénonciateurs, l’éloignement des établissements pénitentiaires des tribunaux, autant de facteurs qui mobilisent plus de temps, des frais de déplacement élevés, ainsi que des gardes-corps, d’autant plus que près de 800 détenus sont traduits quotidiennement devant les tribunaux de Rabat et plus de 1.200 à Casablanca, a-t-il poursuivi.
Quel impact sur la qualité du travail judiciaire?
S’exprimant à cette occasion, l’avocate Me Meriem Jamal idrissi a soulevé plusieurs difficultés en relation avec la garantie d’un procès équitable en ce qui concerne les procès à distance.
Tout en appelant à lancer une étude sur plusieurs aspects en relation avec les procès à distance, notamment, la difficile interaction avec l’avocat de la partie adverse, elle a mis en exergue l’impact que peut avoir ce genre de procès sur la qualité du travail judiciaire.
جزء من مداخلتي في الندوة المنعقدة بالمعهد العالي للقضاء حول التقاضي عن بعد أية ضمانات المحاكمة العادلة… pic.twitter.com/BS9KrLqewC
— Meriem Jamal idrissi (@MeriemJamalidr1) April 27, 2021
« Certes, il y a une rationalisation des dépenses, mais il faut également étudier les différents scénarios qui influencent la qualité du travail judiciaire », a relevé Me Meriem Jamal idrissi.
Initiée en partenariat avec le Conseil Supérieur du pouvoir judiciaire et le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), cette conférence a connu la participation du ministre de la Justice, le président du Parquet général, le Délégué général de l’administration pénitentiaire et de la réintégration, la présidente du CNDH et le président de l’Association des barreaux d’avocats du Maroc ainsi que des responsables judiciaires et des représentants des secteurs et institutions concernés, outre des associations de la société civile.