Une enseignante, qui a dénoncé, dans une vidéo devenue virale, le harcèlement sexuel infligé par certains éléments des forces de l’ordre aux manifestantes, a été arrêtée mardi à Rabat.
L’enseignante contractuelle devenue célèbre après avoir dénoncé devant les caméras le « harcèlement sexuel infligé par certains éléments des forces de l’ordre aux enseignantes » a été arrêtée, mardi 06 avril, pendant la dispersion d’une marche organisée par la Coordination nationale des enseignants contractuels à Rabat.
Elle s’appelle Nezha Majdi. Elle fait partie des enseignants « contractuels » qui revendiquent le statut de fonctionnaire contre la volonté de l’Etat qui se rebiffe contre « l’alourdissement » de son train de vie et préfère les garder comme des « cadres d’académies régionales ».
Enseignante lambda jusqu’à la soirée du 16 au 17 mars dernier, quand sa vidéo en train de dénoncer les larmes aux yeux « le harcèlement sexuel qu’elle a subi en compagnie d’autres enseignantes de la part de certains éléments des forces de l’ordre » était devenue virale, Mme Majdi n’a pas eu de crainte à parler devant les caméras de ce qu’elle prétend avoir subi.
Les révélations-chocs d’une enseignante
Heurtée par ce qu’elle a vécu, cette femme n’a pas mâché ses mots en ôtant le voile sur certains « agissements » de certains éléments de la police et des forces auxiliaires pendant la manifestation des enseignants « contractuels » du 16 mars à Rabat.
« Ils ne se sont pas contentés des propos à connotation sexuelle, mais ils ont commencé à nous toucher avec les matraques et les tonfas. Ils ont commencés à mettre les matraques entre nos seins et les ont enfoncées dans nos fesses », avait-elle révélé.
Suite à ce triste épisode, qui a provoqué un tollé –sur les réseaux sociaux– des Marocains refusant ces excès des forces de l’ordre vis-à-vis des femmes enseignantes et la répression violente des manifestations des enseignants en général, Mme Majidi n’a pas baissé les bras.
Quelques jours après, le 20 mars elle a fait un live pour expliquer la position de la Coordination nationale des enseignants contractuels et ses revendications, mais aussi pour étaler le harcèlement sexuel des enseignantes devenu systématique, affirme-t-elle, à chaque déplacement à Rabat.
Une enseignante molestée et traînée au sol
« Nous n’avons pas renoncé à notre droit constitutionnel de manifester pacifiquement, mais nous avons rencontré une répression brutale (…) les enseignants ont respecté les différentes consignes sanitaires. La répression brutale et la dispersion des marches avec usage de toutes formes de violences, filmées dans plusieurs vidéos, n’étaient pas justifiées », a-t-elle soutenu.
« Il y a eu toute sorte de violences, allant de la violence verbale avec des propos à connotation sexuelle jusqu’aux gestes intimidants (…) Nous avons entendu une Caïda (féminin de Caïd ; fonctionnaire de l’Intérieur sous la direction du gouverneur) qui donnait l’ordre aux éléments des forces auxiliaires d’enfoncer les matraques dans les fesses des enseignantes », s’est elle insurgé.
Ce mardi 06 avril, Nezha Majdi a parcouru près de 547 km d’Agadir à Rabat (la capitale) pour braver l’interdiction, notifiée via un communiqué par la Wilaya de Rabat, et manifester.
Alors qu’elle faisait état via un poste Facebook, publié à 17h30, de plusieurs arrestations et donnait rendez-vous à ses camarades dans un live à 21h pour revenir en détail sur ce qui s’est passé, elle s’est vue arrêtée d’une manière pour le moins atroce.
Traînée au sol et molestée par plusieurs éléments de la police devant les foules de ses camarades, Nezha Majdi a été arrêtée avec 19 autres enseignants contractuels.
La diffusion de la deuxième vidéo devenue virale de Nezha Majdi a provoqué une nouvelle vague de dénonciations sur les réseaux sociaux.
La fondatrice du Collectif féministe marocain « Khmisa », Samia Errazzouki, a considéré qu’il s’agit d' »images troublantes des autorités arrêtant l’enseignante Nezha Majidi ».
Cette journaliste militante a tenu à rappeler que Mme Majdi a dénoncé « il y a quelques semaines, le harcèlement sexuel de la police ».
Disturbing footage of authorities arresting teacher Nouzha Majidi. A few weeks ago, she spoke out about police sexually harassing her and her female colleagues while they protested. https://t.co/lGT9eosYhe
— Samia Errazzouki (@S_Errazzouki) April 6, 2021
Le bras de fer Etat-contractuel se poursuit
Notons, par ailleurs, qu’un bras de fer opposant le ministère de l’Education nationale et les enseignants contractuels se poursuit depuis plusieurs années. Après la trêve imposée par la pandémie, la tension est de retour des deux côtés.
Dans un précédent communiqué, la Coordination a dénoncé la répression de ses manifestations et «la transformation du pays en une grande prison, dans laquelle les Marocains sont réduits au silence et où leurs droits de protestation pacifique et de grève sont violés».
Alors que le gouvernement refuse de se mettre sur la table des négociations, les contractuels condamnent la non-mise en œuvre par le ministère de l’Education d’un précédent accord sur leur dossier et promettent davantage d’escalade.
Affirmant que la marche du mardi 06 à Rabat intervient en réaction aux scènes de répression violente subie par les manifestants lors des marches du 16 et 17 mars dernier, les enseignants promettent de défier les dispositifs sécuritaires et descendre de nouveau dans les rues.