En Pologne, des militants se mobilisent pour les migrants piégés à la frontière avec le Bélarus, malgré le refus officiel et populaire de les accueillir.
Des migrants africains, originaires du Moyen-Orient ou d’Asie centrale tentent depuis des semaines de franchir la frontière de l’Union européenne. En cette attente, ils endurent des conditions difficiles et sans aucune assistance ni des autorités ni des ONG.
Pendant que Varsovie ne cesse de marteler qu’elle ne peut les accueillir, elle a déployé plus de 6 000 soldats à sa frontière et imposé l’état d’urgence.
Face à cette situation, des habitants des villes frontalières, notamment, Michalowo, sont partagés entre ceux qui n’acceptent même pas l’idée d’acceuillir les migrants et ceux qui compatissent et veulent apporter de l’aide aux migrants.
Les habitants pour la plupart pensent que les frontières doivent être protégées.
« A quoi servent ces réfugiés ? s’exclame un Polonais. « N’en ont-ils pas assez ? Ils sont venus ici pour trouver la prospérité ? Ils paient 30 000 dollars à Loukachenko pour les avoir amenés ici, mais pour quoi faire ? Maintenant il les pousse en Pologne, non ? ».
C’est un sujet très difficile à aborder, à mon avis, d’un côté c’est dommage pour ces gens mais d’un autre côté on ne peut pas laisser passer tout le monde », explique un autre habitant de cette ville.
Des mères polonaises contre le renvoi des migrants
Scandant « honte » et « personne n’est illégal », une centaine de mères polonaises a manifesté près de la frontière biélorusse samedi pour protester contre le renvoi de migrants dont des enfants qui tentaient d’entrer dans l’UE.
« On ne peut pas rester les bras croisés quand des enfants passent des semaines dans les froides, humides et sombres forets du territoire polonais, sans eau ni nourriture et aucun abri » dénonçait l’organisatrice de l’événement sur Facebook.
Les manifestantes brandissant des pancartes telles que « Frontière de la Mort » ou « Craignez Dieu, pas les Réfugiés », ont appelé le gouvernement à lever l’interdiction de passage afin que les migrants puissent recevoir de l’aide humanitaire.
Ils ont aussi accusé la police aux frontières d’obliger les migrants à faire demi-tour.
« Nous sommes émus par ces personnes dans la forêt », a expliqué Sylwia Chorazy, l’une des manifestantes au poste de passage transfrontalier de Michalowo, à l’est du pays.
« Mon fils m’a demandé ce matin: Maman, et si nous aussi on devait passer la nuit dans les bois ? C’est tellement triste », a-t-elle confié à l’AFP.
Plus de huit mille tentatives d’entrées en Pologne
Pendant que plus huit mille tentatives d’entrées irrégulières sur le territoire polonais ont été empêchées par les gardes-frontière sur les mois d’août et de septembre, les rares militants et ONG comme le réseau militant Grupa Granica peinent à soulager la souffrance des migrants en perdition dans la forêt polonaise.
« Mon premier jour au QG des militants, près de la ville de Hajnówka. Je vais à ma première intervention. Un groupe de six personnes, cinq Syriens et un Irakien. C’est leur dixième séjour sur le sol polonais. Les gardes-frontières polonais les ont repoussés déjà neuf fois. Ça fait un mois qu’ils essayent de traverser cette forêt », raconte la militante Agata Majos.
La directrice régionale du HCR pour l’Europe, Pascale Moreau, considère qu’il est inadmissible de rester les bras croisées face à ces malheurs.
« Lorsque les droits humains fondamentaux ne sont pas protégés, des vies sont en jeu. Il est inacceptable que des personnes soient mortes (…). Elles sont prises en otage par une impasse politique qui doit être résolue maintenant », a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Varsovie veut installer des murs et des barbelés
Dans ce sillage, le Parlement polonais a voté, récemment, la construction d’un mur à sa frontière avec le Belarus et la possibilité de refouler les migrants, coincés entre les deux pays, dans une forêt où l’état d’urgence a été décrété.
Or, pendant que le nombre des migrants qui tentent d’entrer dans l’Union européenne par sa frontière orientale, entre le Bélarus et la Pologne, l’UE accuse Minsk d’orchestrer cet afflux, en représailles aux sanctions imposées par l’UE à la suite de la répression de l’opposition par le régime bélarusse.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait part, vendredi, de la préoccupation de l’UE face à la situation des migrants aux frontières avec le Bélarus, tout en affirmant que l’Union européenne ne financera pas les États membres frontaliers pour ériger des murs et des barbelés.
L’UE dit « Non »
S’exprimant lors d’une conférence de presse à l’issue du sommet européen à Bruxelles, Mme von der Leyen a indiqué que l’UE peut fournir des financements pour la gestion des frontières, les équipements, ou les infrastructures, mais il y a un accord de longue date de la Commission et du Parlement européen pour ne pas financer de murs ou de barbelés.
Une douzaine de pays européens comme la Lituanie et l’Autriche réclamaient une telle mesure pour protéger leurs frontières.
Des ONG européennes ont tiré la sonnette d’alarme sur le flux de migrants qui prennent la route de la frontière bélarusse, première porte vers l’Union Européenne.
L’UE accuse le président bélarusse, Alexandre Loukachenko, d’ouvrir une nouvelle route migratoire, dans le but de faire pression sur le bloc communautaire qui lui a imposé des sanctions après sa réélection en août 2020.
Dans leurs conclusions à l’issue de leur sommet de deux jours à Bruxelles, les dirigeants européens ont condamné la pression migratoire exercée par le régime bélarusse, notant qu’il s’agit d' »une attaque hybride » à laquelle il faudra réagir.
« L’UE continuera à lutter contre l’attaque hybride en cours qui a été lancée par le régime bélarusse, y compris en adoptant de nouvelles mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités juridiques, conformément à son approche progressive, et ce, de manière urgente », ont ajouté les Vingt-sept.