Une commission indépendante a alerté mercredi dans un rapport sur les conséquences traumatiques en France de l’inceste et des violences sexuelles faites aux enfants, le gouvernement annonçant immédiatement une série de mesures.
La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a dressé un bilan de ces séquelles parfois invisibles à partir des 16.414 témoignages reçus depuis le lancement de son appel à témoignages il y a un an jour pour jour.
« Ce qui saute aux yeux en lisant les mails reçus, c’est l’expression de la souffrance, une souffrance extrême et qui dure. Ce n’est pas penser à quelque chose de douloureux qui s’est passé il y a longtemps, c’est l’éprouver aujourd’hui », explique à l’AFP le juge Edouard Durand, coprésident de la Ciivise.
Ceux qui témoignent évoquent « presque toujours » des conséquences « sur leur vie intime à l’âge adulte, leur couple, leur vie de parent, leur sexualité », note le rapport.
Quatre femmes sur dix rapportent des douleurs, principalement du vaginisme. Près d’un homme sur trois des troubles de l’érection.
Trois victimes sur dix évoquent une absence ou baisse de libido ou une absence de vie sexuelle. A l’inverse, les violences sexuelles se traduisent par une hypersexualisation (multiplication des partenaires notamment) pour la moitié des hommes.
« Ma sexualité a été une longue traversée du désert. J’ai été atteinte de vaginisme pendant une vingtaine d’année », dit une femme citée dans le rapport.
Le gouvernement français a annoncé peu après la diffusion de ce rapport des mesures pour lutter contre les violences sexuelles sur mineurs, saluées par la Commission Inceste.
Que faire avec les parents incestueux?
Projet de retrait de l’autorité parentale au parent incestueux, campagne nationale, accompagnement des victimes et des professionnels: il s’agit de renforcer les moyens de lutte contre les violences sexuelles qui concernent 160.000 mineurs chaque année.
La Ciivise « se réjouit d’avoir été entendue, de voir ses préconisations reprises par le gouvernement », a réagi pour l’AFP son coprésident Édouard Durand.
Le gouvernement veut « renforcer la formation de professionnels de santé » et financer début 2023 une « grande campagne nationale » de prévention.
« Les adultes doivent mieux repérer les signaux et le cas échéant, faire part de leur doutes, avant même d’avoir des certitudes », a déclaré Charlotte Caubel, la secrétaire d’État à l’Enfance, au Figaro.
Soignants, maîtres d’écoles, profs de sport doivent « se poser systématiquement la question » des violences sexuelles.
« Quand un enfant est violent, que des signaux font craindre une situation de prostitution ou encore qu’il est isolé, c’est une grille de lecture qu’ils doivent avoir en tête », souligne Mme Caubel.
Inceste repéré, 70% des plaintes classées
Pour les épauler, le gouvernement va créer « une cellule d’appui pour tous les professionnels qui ont des doutes ou sont confrontés à des révélations ».
Une fois l’inceste repéré, l’étape suivante est de consolider le traitement judiciaire alors que 70% des plaintes sont classées sans suite.
Le gouvernement va poursuivre le déploiement sur tout le territoire des Unités d’accueil et d’écoute pédiatriques, associant enquêteurs, médecins, psychologues, pour entendre l’enfant dans la sécurité.
Une des avancées les plus attendues par les associations est « le retrait de principe de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant ».
Le gouvernement va déposer au Parlement une modification législative pour le permettre, tout en acceptant qu’une juridiction puisse le refuser « par motivation spéciale ».
« Le noeud du problème reste le taux trop élevé de classements sans suite et le taux trop faible de révélations de violences sexuelles. Il faut renforcer le repérage et consolider l’enquête pénale, ce que les mesures annoncées par le gouvernement tendent à faire. Nous serons attentifs à ce qu’elles soient mises en oeuvre », a commenté le juge Durand.
Une personne sur 10 a été victime de violences sexuelles dans l’enfance, selon la Ciivise.